L’interdiction de parler français ou allemand lors des échanges radio exaspère les pilotes amateurs.
Vallée du Rhône quasi bouchée
«Avec cette interdiction de parler français ou allemand en Suisse dans les conversations avec les tours de contrôle, la Confédération est allée trop loin», déclare Pierre Moreillon, avocat des pilotes de vol à moteur et à voile regroupés dans l’association «English only: No!». «L’Organisation de l’aviation civile internationale elle-même prône le bilinguisme (langue locale et anglais).»
L’utilisation exclusive de la langue de Shakespeare n’est que recommandée – et non pas obligatoire – dans les aéroports qui totalisent au moins 50 000 mouvements pour les vols aux instruments, un volume qui n’est de loin pas atteint par les aérodromes régionaux en Suisse.
Marche arrière des Etats
Lors du passage de la Loi fédérale sur l’aviation au Conseil national, en 2017, une motion de Matthias Jauslin (PLR/AG) avait passé la rampe pour faire échec à ce projet, mais le Conseil des Etats était revenu en arrière, moyennant des promesses d’exceptions qui ne sont jamais parvenues sur le terrain.
Dans son argumentaire, l’avocat vaudois juge que la disposition contestée, interdisant l’usage de langues nationales ou officielles dans l’espace aérien suisse, viole la Constitution et la loi sur les langues. Il estime aussi qu’il y a violation de la Convention de Chicago fixant les règles de l’aviation civile internationale: une communication radiotéléphonique air-sol doit pouvoir se faire dans la langue habituellement utilisée par la station au sol.
«A Sion, la langue habituellement utilisée, depuis que la radiotéléphonie existe, est le français», souligne Pierre Moreillon.
Contournement de Sion «risqué»
L’avocat balaie aussi les raisons liées à la sécurité. «Avec cette disposition obligeant à ne parler que l’anglais, un véritable bouchon barre la vallée du Rhône, sous la forme d’espaces aériens exclusivement anglophones autour de l’aéroport de Sion, contraignant les équipages non anglophones à un contournement risqué», plaide-t-il. «Le trafic se concentre entre l’espace aérien interdit et les pentes de la vallée où volent les planeurs à la recherche de vents ascendants, les ailes delta ainsi que les parapentes.»
Toujours selon le chef de file de l’association «English only: No!» , si des pilotes étrangers ou suisses non anglophones – toujours très nombreux à survoler les Alpes – se retrouvent en «panne de thermique» avec leurs planeurs et doivent éviter Sion, ils seront contraints d’atterrir en rase campagne, risquant de grosses casses.